Les limites culturelles de la mondialisation
Publié le 8 juillet 2013 par Christian Harbulot
Pourquoi les jeunes japonais lui tournent le dos
La mondialisation n’est pas un phénomène général. Il faut aller à Tokyo pour se rendre compte jusqu’à quel point la grande majorité de la jeunesse japonaise lui tourne le dos aujourd’hui. La civilisation insulaire née au XVe siècle est une matrice qui chemine à travers le temps, selon les périodes d’ouverture et de repli du Japon sur lui-même. L’attirance d’une fraction de la jeunesse japonaise des années 60/70 pour un groupe comme les Beatles, alors vecteur symbolique de la nouvelle culture occidentale, n’a pas été suivie d’effets durables. Si Google, Apple, Facebook ont ouvert par la suite de multiples chemins d’expression, ils n’ont pas généré pas de nouvelles vagues en termes de contenu. Sans que cela prenne une forme spectaculaire, l’attitude de la jeunesse japonaise a suivi un chemin parallèle au mouvement de repli du Japon entamé depuis un quart de siècle. L’ancien empire du Soleil Levant ne tourne pas le dos à la mondialisation mais se vit comme une entité particulière à l’image d’une France et d’une Allemagne réunies sur un territoire qui fait les trois cinquièmes de l’Hexagone.
L’attirance d’une fraction de la jeunesse japonaise des années 60/70 pour un groupe comme les Beatles, alors vecteur symbolique de la nouvelle culture occidentale, n’a pas été suivie d’effets durables
Vue de ce côté du Pacifique, la mondialisation ne se résume pas aux secousses culturelles de la révolution technologique née en Californie. La jeunesse japonaise n’est guère férue d’histoire, mais elle subit à son insu les conséquences de la realpolitik internationale. Elle suit à sa manière le refoulé des forces vives du pays qui paient encore le prix fort du coup d’arrêt donné par les Etats-Unis (soutenus par l’Europe) à l’expansionnisme économique nippon au début des années 90. Derrière l’explosion de la bulle immobilière et la crise financière asiatique survit le ressenti d’une défaite non assumée en termes de guerre économique. L’économie japonaise avait largement profité des concessions que lui avait accordées Washington à la fin des annexes 40 pour éviter que ce pays vaincu ne tombe dans l’orbite soviétique sous la pression des syndicats nippons. L effondrement de l’Urss a libéré les pulsions stratégiques occidentales de japan bashing, refrénées durant des décennies. Ce non dit cadre le périmètre de vue de la jeunesse japonaise sur son environnement immédiat.
Coincée entre le déclin démographique et une certaine forme d’ethnocentrisme, le monde éducatif japonais se livre une concurrence féroce pour aller capter des étudiants dans l’ancienne sphère de coprospérité asiatique. Le business privé de la formation lisse les différences dans la course aux diplômes. Il ne mondialise rien d’autre que les apparences. Les étudiants chinois partent comme ils sont venus. Il en est de même des étudiants mongols ou coréens… Le seul Français présent à la Japan University of Economics fait pour le coup figure de rescapé du radeau de la Méduse.