Philippe Richert
Publié le 28 juin 2009 par Les Influences
Il est le rapporteur au Sénat d’un projet de loi qui devrait permettre la restitution d’un toi moko, tête momifiée maori, à la Nouvelle-Zélande.
Le rapporteur a indiqué que « ce geste éthique répondait aux principes de dignité de l’homme et de respect des cultures et croyances d’un peuple vivant. »
Le crâne traînait dans les archives
Wellington, particulièrement actif depuis les années 1990 dans sa recherche et rapatriement d’ossements maoris éparpillés dans les musées du monde entier, devrait donc récupérer ses têtes maories, et notamment celle du musée de Rouen (Seine-Maritime).
Estimant le geste consensuel –qui avait reçu l’aval du ministère de la Recherche-, et condamnant le commerce de restes humains datant de l’époque coloniale, le maire UDF Pierre Albertini, avait décidé en 2007 la restitution d’une tête de guerrier maori tatouée et momifiée (toi moko), offerte au musée d’Histoire Naturelle de la ville en 1875. Cette tête de guerrier haka, retrouvée par hasard, ne représentait aucune signification scientifique ou artistique particulière, et s’empoussiérait depuis des lustres dans les archives du musée. Reste que cette restitution spontanée constituait une première en France. La ville s’était fondée sur la loi bioéthique de 1994, inscrite au Code civil et qui indique que les éléments du corps humain ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. Sur cette même base juridique, la Vénus hottentote du Musée de l’Homme fut restituée en 2002 à l’Afrique du Sud.
L’action semble en route. La mairie a l’idée d’organiser une cérémonie de restitution en présence de l’ambassadrice de Nouvelle-Zélande et du chef maori Tumu Te Heuheu. Mais la veille de cette cérémonie, le 27 décembre 2007, le ministère de la Culture, s’appuyant sur une décision du tribunal administratif de Rouen et qui considère les collections du domaine public inaliénables, fait bloquer le transfert de la toi moko. Peu à peu rue de Valois, de techniques (la non-consultation préalable de la commission scientifique chargée de statuer sur la sortie d’œuvres des collections nationales), les arguments sont devenus d’ordre patrimoniaux : ce crâne maori fait désormais partie des trésors nationaux, il est désormais un objet social qui revêt « un statut très particulier ».
« L’heure est à la restitution et au respect d’une certaine éthique muséologique. Dans ces circonstances, la France devrait avoir honte de faire de cette tête maorie un exemple. Cette toi moko ne lui a jamais appartenu, elle ne lui appartiendra jamais et il est temps de la rendre à ses véritables propriétaires » s’indigne de son côté The New Zealand Herald. Les colons britanniques auront mis un certain temps à interrompre ce commerce, à partir de 1831. De nombreux ossements momifiés et tatoués ont été disséminés dans les musées du monde entier. Une quarantaine d’établissements à ce jour a consenti au rapatriement des restes haka.
Malgré un impressionnant comité de soutien pour la restitution du crâne maori, de Pascal Picq et Edgar Morin à Vincent et Philippe Delerm, en passant par le rapporteur du Sénat Philippe Richert, Marie-Claude Tjibaou ou encore Didier Daeninckx, ou plus discrètement la ministre de la Recherche Valérie Pécresse, la ministre Christine Albanel aura fait jouer la montre. Il est vrai également que le flou juridique est particulièrement artistique dans le domaine du rapatriement d’œuvres d’art. Ce qu’a pointé la commission aux affaires culturelles du Sénat.
Une nouvelle commission pour la restitution de collections publiques ou privées
S’il est favorable depuis toujours à la restitution du toi moko, en balance Philippe Richert insiste également sur la nécessité de compléter la proposition de loi n°215 (2007-2008), présentée par la sénatrice Catherine Morin-Desailly (Nouveau Centre), et par qui le débat législatif sur les crânes maoris a débuté il y a près de deux ans au Sénat. Sur son blog, la sénatrice a indiqué sa satisfaction : « Je considère en effet que cette loi de circonstance doit être le point de démarrage d’un travail qui n’a toujours pas été fait sur le statut des restes humains à travers les différentes collections. Une réflexion approfondie sur ce sujet doit être engagée au plus vite, réflexion que permettra la nouvelle composition de la commission nationale de déclassement telle que présentée par le rapporteur. »
Philippe Richert invite à ce que « s’engage une réflexion sur la procédure de déclassement des biens des collections publiques » appartenant aux musées de France, mais qui est « restée jusqu’à présent virtuelle ». Parmi les amendements adoptés par la commission sénatoriale, une commission scientifique compétente en matière de déclassement, que prévoyait la loi de 2002 sur les musées de France, sera renommée « commission scientifique nationale des collections ». « Sa composition est élargie, ses attributions sont étendues aux collections publiques, voire privées, au-delà des seules collections des musées de France et sa « feuille de route » est précisée » indique la commission des affaires culturelles. « Cette commission devra notamment établir une forme de « doctrine » en matière de politique de déclassement ou de cession et rendre compte de ses orientations dans un rapport remis au Parlement dans un délai d’un an » indiquent encore les sénateurs.
Derrière la restitution du crâne maori et l’éthiquement correct, le ministère de la culture et du patrimoine redoute quant à lui la jurisprudence et l’action d’un comité scientifique qui encourageraient la multiplication de restitutions d’œuvres d’art ou assimilés, les collections et quelques belles pièces péruviennes du quai Branly par exemple.