Takashi Fukutani et ses mangas sales et méchantes
Publié le 17 février 2010 par Arnaud Vojinovic
Attention les yeux! Entrer dans l’univers de Takashi Fukutani, alcoolique, déjanté et mort à l’âge de 48 ans, c’est découvrir ce que l’on veut ne surtout pas voir dans la société nippone : les pauvres, les losers et autres freaks sociaux. Une grande claque pas politiquement correct.
Le héros, Yoshio Hori, ne vit que d’expédients et s’il travaille quand il arrive à se lever c’est en tant que manœuvre sur des chantiers. Autour de lui gravitent, au fil des histoires, des personnages qui sont l’occasion de s’intéresser à un problème et de quel façon l’aborde la société japonaise: la solitude, l’homosexualité, le sida, la pauvreté, l’alcool, la prostitution des mineurs fugueurs etc… Takashi Fukutani va au delà de la simple description même talentueuse, il se donne les moyens de faire vivre à son héros une réalité sous une perspective qui normalement nous échappe. Le mangaka s’affirme comme le porte-parole de ces laissés-pour-compte et un fin observateur de vies en marge de la société, puisant parfois dans son vécu pour construire ses histoires.
Une vie de mal-être noyée dans l’alcool
Peu intéressé par les études il s’est distingué très vite par la qualité de son dessin. Mais à 16 ans dans un contexte familial difficile, sa jeunesse se délite. Trublion, obèse et drogué, il fait les 400 coups qui lui vaudront une arrestation et une liberté surveillée. Fainéant, alcoolique n’aimant que le dessin il a du mal à se stabiliser changeant fréquemment de travail, parfois filant après avoir touché une avance.
A 25 ans il s’installe avec une strip teaseuse qu’il enverra faire le tapin à l’occasion. Un jour dans un magazine de manga, il relève une annonce d’un dessinateur qui recherchait un assistant. Il s’y rend mais s’enivre avant afin de surmonter sa timidité. Il n’est pas retenu car il manque de technique mais le dessinateur lui versera le salaire d’une journée. Takashi Fukutani est touché que l’on puisse le payer pour quelque chose qu’il aime faire. C’est une révélation, il décide de se mettre plus sérieusement au manga.
Quand fiction et réalité s’entremêlent
Les éditions du Lézard Noir ont judicieusement décidé d’éditer un ouvrage hommage à Takashi Fukutani[[Un deuxième volume en français est en préparation.]]. Regroupant un florilège d’épisodes, une biographie détaillée de l’auteur vient replacer son œuvre dans son contexte. Au fil d’un peu plus de 300 pages le lecteur découvrira une galerie de portraits : le fétichiste qui consomme des décoctions de petites culottes sales, le travesti qui abandonne sa famille pour vivre sans hypocrisie, Yoshio se tentant comme proxénète. Souvent trash, il ne faut pas se tromper ces tranches de vie sont fréquemment des témoignages poignants de ces destins ou de ces microcosmes. Les personnages qui apparaissent au fil des épisodes ne vous laissent pas indifférents. Des histoires auto-biographiques viennent ponctuer l’ouvrage traitant des déboires de Takashi Fukutani quand il galérait. Mélangeant fiction et réalité pour le 500ème épisode l’auteur rencontre son héros; c’est l’occasion de nous parler de son parcours et de la genèse de la série.
L’œuvre de Takashi Fukutani est une occasion unique de découvrir un Japon bien loin des clichés. L’œuvre teintée de désespoir devient parfois attendrissante sous les traits de crayon du dessinateur.
Un commentaire sur “Takashi Fukutani et ses mangas sales et méchantes”
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Takashi Fukutani et ses mangas sales et méchantes
Acheté à un fan de bd nippophile parmi tout un lot de mangas sur un site de petites annonces, j’ai découvert presque par hasard le Vagabond de Tokyo : j’ai juste trouvé ça génial. Critique, constat amer d’une jeunesse désabusée à travers les tribulations de Yoshio Hori, drôle et totalement décomplexé !