Jérôme Zonder, la bombe au graphite
Publié le 28 mars 2011 par Rédaction LI
Dans le renouveau du dessin qui connaît un réel engouement, il s’impose comme l’un des artistes les plus puissants, surtout pour ce qui concerne les cauchemars contemporains.
Dans Poussière de guignol, son exposition -ou plutôt son explosition- en 2009 à la galerie Eva Hober, Jérôme Zonder faisait se jeter les styles les uns contre les autres. Une forme de cacophonie graphique : ses grands dessins au graphite et à l’encre se déploient dans des compositions saturées. Par quelle lézarde, va fuiter la scène ? Un détail déverouille l’hyper-réalisme. Dans des dessins qui convoquent l’esprit de Dürer et l’horreur des contes gothiques, un smiley toujours s’inscruste et vient tout mettre par-terre et rappeler une ironie grand-guignolesque. Mais il est déjà trop tard : la panique ou l’effroi se sont installés juste avant que l’on ne découvre le point de fuite. Jérôme Zonder (1974) intrigue sufisamment pour justifier d’être en couverture du magazine Art press (avril 2011, n°377), considéré comme l’un des exemples les plus réjouissants de la quinzaine du dessin contemporain à Paris -Drawing now (jusqu’au 28 mars, Carrousel du Louvre), le Salon du dessin (30 mars-4 avril au Palais de la Bourse) et le FID (31 mars-3 avril, Cité internationale des arts).
Des enfants kubrickiens ou orwelliens
« Aaah putain ! J’arriverai jamais à faire tout ce que je veux…« , se désespère son personnage à la mine de plomb. Est-ce pour cela que Jérôme Zonder préfère gagner du temps en faisant télescoper des univers graphiques, quitte à les faire clasher ? Issu de la génération des années 1970 dite « génération Casimir », son gloubi-boulga relève du cauchemar enfantin, un cauchemar qui klaxonne à l’instar de ses oeuvres portant justement sur les enfants. Des enfants orwelliens ou kubrickiens exécutent leurs parents dans une parodie bac à sable des khmers rouges, défoncent à la batte leurs congénères, se livrent à des boucheries carnavalesques. Zonder nous fait marcher en trompe l’oeil, mais il nous fait marcher sur des cadavres et des impressions à l’eau forte. L’horreur fait pouffe et circule dans ces dessins où les corps tiennent à la fois de la putréfaction bactérienne et de la tablette de micro-processeurs vitrifiés. « Aaah putain ! J’arriverai jamais à voir tout ce que je veux ! » semble lui répondre le regardeur. Jérôme Zonder nous piège avec ses bombes au graphite qui court-circuitent tous les sens.