Mehdi Belhaj Kacem : tuer le Badiou
Publié le 5 juin 2011 par Les Influences
Putsch dans la philosophie française : l’autobiographie intellectuelle du brillant disciple éreinte Alain Badiou, son maître à l’omniprésence de plomb.
Mehdi Belhaj Kacem est né à Paris (1973) mais a vécu toute son enfance en Tunisie. Il est là, plus ou moins marginalement, dans le paysage disons, des lettres françaises, depuis vingt ans. Il a donc commencé très jeune, à dix-huit ans en écrivant des romans, une triplette de romans, dont l’un assez remarqué « Vie et mort d’Irène Lepic » (Tristam, 1996), qui parlait d’une tribu aujourd’hui bien connue, mais qui à l’époque, au début des années 1990, était encore fort minoritaire : la tribu des gothiques, ceux qui font qu’aujourd’hui Indochine, voire Mylène Farmer, remplissent le Stade de France. Jeune, Mehdi Belhaj Kacem était gothique, il se promenait en jupe.
Pop philosophie
Et puis, après ces romans, il décide d’abandonner la littérature où pourtant un bel avenir lui était promis, pour devenir philosophe. Et Mehdi, qui n’a que le bac en poche, qui n’a jamais mis les pieds à l’Université pose à ce moment-là une question dérangeante, laquelle est : peut-on devenir philosophe de soi-même, sans passer par l’institution ? Les philosophes autodidactes existent, bien sûr : le cas le plus connu est celui de Gaston Bachelard qui, après avoir longtemps travaillé aux PTT, passera son agrégation de philosophie à 38 ans, soit l’âge exactement de Mehdi Belhaj Kacem aujourd’hui. Mais Mehdi, lui, va devenir philosophe en écrivant des livres, notamment « Esthétique du chaos » où il philosophe à partir d’objets modernes, tel que le gansta rap ou le film « Matrix ». Un courant qu’on va appeler médiatiquement, à tort ou à raison, « la pop philosophie ».
Amour filial
C’est à la fois une autobiographie intellectuelle où ce fils d’immigrés tunisiens raconte comment il est devenu un philosophe autodidacte, c’est aussi le roman de sa quête effrénée d’un père en philosophie, c’est-à-dire d’un nom, d’une caution, mais c’est enfin le pamphlet par lequel le fils adopté « dans le ruisseau » philosophique, tue finalement son père. Mais c’est peut-être encore, sinon plus, le geste initial d’une génération un peu brimée qui a décidé d’entrer violemment dans la carrière alors que leurs aînés y sont encore, et, pensent-ils, pour longtemps.