Réfléchir sur l’hôpital, il y a urgence
Publié le 13 avril 2012 par Les Influences
Politique. “Urgences…si vous saviez”, de Patrick Pelloux, Cherche-Midi Editeur
Ce qui pourrait constituer une laborieuse lecture de textes publiés dans Charlie Hebdo de 2009 à septembre 2011 se lit au contraire comme un feuilleton humain et politique. Plus que le style talentueux, c’est un oeil averti qui passe au scanner, un mode de fonctionnement perdant sa tête et ses moyens. Le docteur Pelloux diagnostique tout ce qui peu à peu dégénère, s’érode, régresse dans les savoirs, l’éthique et la vision du monde chez les médecins, dévorés comme les autres par profitabilité et calculabilité. Exemple à l’appui parmi des dizaines consignés: On envisage la réforme de la formation d’une discipline comme celle structurante de l’anesthésie. Pour améliorer une profession difficile ? Que nenni ! “Bonne vieille recette : dévaloriser une profession structurante en cassant sa formation” enrage Pelloux. “Ce qui est recherché, c’est la fin d’un système de qualité, pour avoir juste la sécurité. Mais ce n’est pas la même chose” soutient-il. Et la plupart des réformes envisagées sont à l’encan.
Reste aussi que le chroniqueur est médecin, et qu’il voit déferler le monde en son service réduit, loin des médias, loin des oreilles. Un monde pêle-mêle de victimes, mais aussi de cons, de mesquins, de cupides sans frein, de prédateurs aux petits pieds. Comme ces gangs aux corps explosés par leurs kalachnikov. Comme ce couple de retraités pauvres qui devront se saigner pour une piète hôtellerie hospitalière, toujours plus coûteuse. Ou encore ces victimes sans papiers à l’écart sur les chantiers, ces familles de modernes Thénardier au chevet d’un mort espéré, ces solitudes comme des cadavres de bouteille. Comme si ce monde là en était venu à contaminer l’hôpital lui même, ou du moins à le déborder. De ce sombre tableau toujours plus réel, résiste pourtant comme un vernis doux et entêtant, l’humanité du témoin Patrick Pelloux.