Quand les démocraties fabriquent de la propagande
Publié le 28 juin 2014 par Les Influences
On peut, on doit se réconcilier, c’est politique, mais pas au prix de la perte d’un jugement éthique et d’une distorsion violente de la mémoire réelle
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5 commentaires sur “Quand les démocraties fabriquent de la propagande”
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les taons sont durs…
sur bien des points, on ne peut qu’approuver, mais mieux vaut se défier d’un âge d’or qui sur ce terrain n’a peut-être jamais vraiment existé : les démocraties occidentales ont toujours (pour ici reprendre les termes de l’article) “réécrit, manipulé, malaxé et re-formé l’Histoire”.
Ce qui pour ma part me paraît neuf, et peu réjouissant, est la disparition, que l’on espère provisoire, des forces qui traditionnellement jouaient en sens contraire :
– le titre d’historien et le salaire qui va avec sont aujourd’hui attribués en fonction exclusive, du critère de soumission à l’idéologie dominante, voire de soumission pure et simple (l’obscène promiscuité avec les pouvoirs publics à laquelle on assiste en ce moment, sous le prétexte de… commémoration-du-centenaire-de-1914, dépasse l’imaginable)
– le grand public ne comprend manifestement pas, quel est l’enjeu qui entoure Histoire-et-propagande (à savoir : qu’une société qui lui ment sur le passé, lui ment au présent). Et j’en profite pour rendre hommage à Kurt Werner Schaechter aujourd’hui disparu et qui loin de donner un sens passéiste, à son combat pour l’accès aux Archives, obéissait en priorité à cette motivation
– ce qui enfin constitue un des meilleurs antidotes, à savoir l’existence d’un débat public, n’existe plus : j’ai pu constater, à travers le “sort” réservé à des réponses documentées que j’avais pu adresser au Monde, que la bourgeoisie ne respecte même plus le droit de réponse (ne parlons pas de liberté d’expression) de ceux qui refusent d’emboîter le pas.
les taons sont durs…
Merci. Sur votre premier point j’ai failli écrire aussi sur le numéro du magazine international du CNRS qui récrit justement 1914 et sert la propagande actuelle. Le Spectator, le grand magazine britannique, a eu par contre le courage dans son numéro du 2 août de questionner l’amnésie allemande sur 1914, et la responsabilité directe et massive de l’Empire allemand – en convoquant les recherches d’historiens allemands.
Sur votre deuxième point le public a changé: naguère le public, celui qui pouvait peser sur la presse et peser sur les politiciens, était éduqué, soit par l’école (“la bourgeoisie”) soit par l’éducation populaire (le PCF, par exemple). Ce public s’est dilué en une masse à la fois excitable et amorphe, qui croit tout et ne croit rien. Rousseau doit se retourner dans sa tombe: là s’est brisé le contrat social. Car brisé, il l’est.
Antidote? Je n’en vois pas, car se poser la question de l’antidote s’est d’abord se poser la question de la maladie. Et cette maladie, si on la perçoit je ne je pense pas, enfin pour ma part, je ne crois pas qu’on la conçoive, ou pas encore.
Ne désespérez pas de l’homme-en-politique: le pire est toujours possible.
Cordialement. PhJ S.
c’est reparti : comme en 14
Bonjour. C’est peut-être effectivement à propos de l’année 1914 que ce à quoi on assiste en France, au motif de commémoration-du-centenaire, dépasse l’imaginable. Même des historiens qui naguère encore affichaient un ton faussement critique et de temps à autre nous sortaient de leur poche, qui un mutin, et qui, un fusillé-pour-l’exemple, histoire de donner le change de leurs objectivité subventionnée, sont là, le doigt sur le pli de la couture du pantalon, littéralement embeddés. Et ceux qui du temps des pas-si-lointaines chamailleries venues entourer les lois mémorielles nous annonçaient qu’on allait voir ce qu’on allait voir, avec leur “Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire” et tout le tralala, ne sont pas les derniers à… baisser leur pantalon ! Cordialement
PS. les circonstances ont voulu que j’enseigne aux Etats-Unis, pays où même les historiens n’ont pas leur drapeau dans leur poche. Mais je crois pouvoir dire que cette promiscuité entre les genres distincts que sont en principe le savoir, et les simagrées, y serait mal vue.
c’est reparti : comme en 14
Je pense que la différence d’attitude entre les historiens américains et les historiens français, du point de vue de leur rapport à une doctrine d’Etat, tient à la fonctionnarisation des professions intellectuelles en France. On ne peut pas demander à un fonctionnaire de ne pas être “au service”, d’une manière ou d’une autre. Il y va des financements de recherche (y compris les fourchues caudines des plans programmes de l’Union Européenne, la vache à lait aux cent mamelles rances) et il y va aussi d’une croyance innée en la vertu de la fonction publique.
Il est étrange que les seuls fonctionnaires, du plus haut rang, à s’être insurgés contre ce service dû à l’Etat et à sa doctrine soient les chefs des différentes armes, voilà quelques mois, contre l’ineptie de la non-politique de non-défense. Mais depuis règne le plus grand des silences. Cordialement. PhJS
c’est reparti : comme en 14
l’aspect institutionnel, et les dépendances qu’il engendre, est important, bien sûr. J’en donnerai pour exemple l’affaire Dreyfus : le seul qui ait eu le courage de gâter la sauce, lorsqu’en 2006 fut organisé un co-loques à la Cour de cassation pour fêter le fait que cent ans plus tôt la justice avait, pour une fois, FINI par reconnaître ses torts fut Marcel Thomas, fonctionnaire mais… à la retraite (de plus il n’avait jamais fait partie du serre-rails universitaire). Il alla donc jusqu’à rappeler, ce que les légalistes n’aiment pas qu’on leur rappelle : aucune sanction ne fut prise, à l’issue de l’Affaire ! Cela dit le salariat peut constituer une… encore plus grande dépendance, dans le privé : à mon avis y a aussi un aspect culturel, un rapport avec “la vérité” qui n’est pas la même de part et d’autre de l’Atlantique, pour de bonnes et de mauvaises raisons.
Parmi les mauvaises raisons il y a bien sûr les séquelles du puritanisme et qui font qu’aux Etats-Unis on évacue plus facilement le passé, sur le mode, “oui mais, c’était une autre Amérique”. A contrario en France, où chaque tenant de l’idéologie dominante est dépositaire d’une parcelle du territoire national, il l’est a fortiori, de l’album de famille de la France éternelle : et c’est sa-mère-la-France, que l’on insulte, même quand on met en cause la vertu pour des faits qui remontent à l’époque de Saint-Louis. Parmi les bonnes raisons il y a ce que l’on peut appeler exigence de vérité et qui fait que mentir-en-sachant-que-l’on-ment, comme savent si bien le faire les historiens officiels français, est un problème qui se pose peu ; ou qui alors, sitôt détecté, serait dénoncé.
J’ai peut-être eu la chance de travailler là-bas avec Charles Higham, qui même en son pays pouvait passer pour un gêneur (cf. son “Trading with the Enemy”) mais, sans autrement idéaliser les historiens américains, il me semble que leur présence dans le débat constitue sauf exception une garantie minimum, à commencer par celle… d’un débat !
Cordialement
Luc N.