Alexandra Laignel-Lavastine contre la vie en boîte
Publié le 18 mars 2021 par Les Influences

Confinement saison 3. Mais cette fois, on peut s’armer d’un essai de la philosophe Alexandra Laignel-Lavastine, La Déraison sanitaire. Mantra de l’auteure : « La vie au sens du bios est l’alpha, pas l’oméga. » Pour qui suit le travail intellectuel d’Alexandra Laignel-Lavastine (notamment La Pensée égarée. Pour quoi serions-nous encore prêts à mourir ?), ce petit essai d’une centaine de feuillets, écrit sur le vif mais avec un style clair et élégant, ne saura surprendre. Encagée, encellulée comme nous durant la pandémie, une fois, puis une seconde, en attendant la troisième, elle en appelle précisément à un sursaut de la vie, et non d’une survie qui a dangereusement limité le sens de notre existence même, si ce n’est d’avoir tué un peu de l’humain en nous.
Dans cette tradition libérale qui a vu, ces derniers mois, du philosophe François L’Yvonnet à André Comte-Sponville en passant par BHL et l’écrivain Iegor Gran, une insurrection intellectuelle contre la gestion techno, plus managériale que politique, infantilisante et considérée en haut-lieu comme « inévitable » des individus, Alexandra Laignel-Lavastine, elle, pousse les feux un peu plus loin sur les impensés : le culte de la vie par-dessus tout érigée par un État care et super-infirmier pataud est une abomination. Non à la vie en boîte !
Elle frappe juste, comme son indignation contre le mauvais sort social fait aux anciens notamment dans les EHPAD, les « dérisoires vivats de vingt heures », et toujours en cours le rabougrissement de la vitalité et l’esquive culturelle de la mort. Elle puise dans les ressources intellectuelles des anciens dissidents des pays de l’Est dont elle est familière, Vaclav Havel ou ici, Jan Patočka: « une vie qui, dans l’absolu, n’est pas disposée à se mettre en jeu pour sauvegarder son sens est une vie à demi-vécue, qui se mutile à chaque pas. »
Re-re-confinés peut être mais les idées, elles, courent toujours.

La Déraison sanitaire. Le Covid-19 et le culte de la vie par–dessus tout, Alexandra Laignel-Lavastine, Le Bord de l’eau, 110 p., 12 €. Paru 6 novembre 2020.