Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Une universitaire réhabilite le verbe «lambiner»

Publié le 25 mars 2021 par


La revue Diasporas propose, dans son n° 35, un intéressant panorama des « parcours de l’humanisme à la Renaissance ». « L’expansion ample, rapide et protéiforme, du mouvement à travers l’Europe des XVe-XVIe siècles est un phénomène aussi central que fascinant pour l’histoire culturelle de la Renaissance », expliquent en introduction les médiévistes Cécile Caby et Clémence Revest. Les chercheurs réunis dans cette réflexion souhaitent tordre le cou à une idée toute faite : le diffusionisme tout naturel et intact d’une pensée provenant de la Toscane. Bien au contraire, les nouveaux savoirs décrivent eux des versions assez différentes selon les pays et les circonstances. Même l’humanisme se répandant en Italie prend des couleurs variées. Plus qu’une force de l’esprit, les caïques du commerce international en plein essor ont apporté bien des idées dans leurs cargaisons, et auront beaucoup contribué à la migration des manuscrits. « Pérégrinations individuelles et rayonnement culturel global se sont en quelque sorte mutuellement nourris, favorisés par la compétition entre gouvernants », soulignent Cécile Caby et Clémence Revest. Il s’agirait d’un processus « europolitique » comme le souligne l’historien anglais David Rundle. La démonstration la plus spectaculaire est le foyer anglais aussi riche que très mal connu, et défriché par ce chercheur. Ce n’est pas uniquement la petite élite des clercs qui aura utilisé les savoirs et les outils de l’humanisme, mais aussi des magistrats, des diplomates, des prélats et des marchands qui auront pollenisé cette culture jusqu’à la découvrir au Levant et dans la Nouvelle-France.

Et si l’humanisme français avait inventé la « slow science » ?

Dans un contexte de rivalité entre les humanistes toscans et les universitaires français, surgit la figure de Denis Lambin (1519-1572). Considéré comme un grand humaniste même si très peu d’études existe sur lui, son parcours professionnel est retracé par Astrid Quillien, agrégée de lettres classiques et chercheuse en humanités néolatines et numériques (Paris 3). Dans un article éclairant, elle façonne le portrait d’un agent d’influence de l’humanisme en France mais aussi d’une méthode intellectuelle singulière.

Denis Lambin dans sa bibliothèque de lettré érudit.

Denis Lambin est issu d’une famille modeste de Picardie. Il peut suivre malgré tout des études à Paris, à Toulouse et, décisif, se placer dans le sillage du puissant cardinal de Tournon qui l’entraîne durant une petite décennie en Italie. C’est d’ailleurs à Rome qu’il publie son premier ouvrage. Grâce à un réseau de relations toujours « plus riche, fidèle, puissant, érudit et élogieux » , ce proche de Ronsard promu, lui, poète royal, deviendra lecteur royal de latin puis de la langue d’Homère. Un poste honorifique où l’on dispose de belles bibliothèques et d’un accès à celle royale de Fontainebleau, mais où on est chichement rétribué. De plus, les premières guerres de Religion dispersent les élèves et paralysent les professeurs dont les salaires ne sont pas versés durant de longs mois. Le « plus italianisé des humanistes français » forge sa notoriété dans une façon très particulière de travailler. C’est une méthode systématique que décortique Astrid Quillien : mobiliser toutes les ressources de son large réseau, collecter le plus grand nombre de manuscrits et d’imprimés d’un même auteur qu’il souhaite étudier, les comparer très attentivement et établir, après une analyse fine et globale, la traduction du texte de l’auteur la plus juste possible. Ce travail d’immersion et de curiosité qui prenait un certain temps est à l’origine du verbe lambiner. « Il me semble qu’il pourrait aujourd’hui connaître un nouvel emploi, mélioratif, et suggérer en contexte scientifique le recours à une méthode de recherche exigeante qui prend le temps de fouiller, de “digérer” les sources, d’élaborer une pensée originale et honnête, nourrie des discussions avec d’autres chercheurs ou intellectuels de tous horizons », plaide et s’amuse Astrid Quillien. Lambiner ou toute la modernité de la slow science.

Revue Diasporas, « Les parcours de l’humanisme. Mobilités professionnelles et expansion culturelle à la Renaissance », n° 35, Presses universitaires du Midi, 149 p., 22 €. Paru octobre 2020.

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