Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Force ouvrière ou le « cassoulet-révolution » de Jean-Claude Mailly

Publié le 26 novembre 2021 par

L’idée : L’auberge espagnole qu’est la Confédération générale du travail – Force ouvrière fait l’objet d’ouvrages de et sur leurs anciens secrétaire confédéraux : Jean-Claude Mailly et Robert Bothereau.


Manifs et chuchotements, Jean-Claude Mailly, Flammarion, 228 p.,19 €. Paru mai 2021

Robert Bothereau, Gérard Da Silva, L’Harmattan, 274 p., 25 €. Paru janvier 2021.

Améliorer par la réforme et la négociation les conditions matérielles des salariés a été le projet qu’a défendu pendant longtemps la CGT – FO, tel qu’il ait été incarné par ses principaux responsables depuis la Libération : Robert Bothereau, André Bergeron, Marc Blondel ou Jean-Claude Mailly.

L’avant dernier secrétaire général de la centrale livre ses souvenirs. Il inscrit ses pas dans ceux d’André Bergeron. Il rappelle la longévité d’un dirigeant syndicaliste face au court-termisme du politique (4 présidents, 7 Premiers ministres, et une bonne dizaine de ministres par poste). Il propose aussi une réflexion sur les filière conduisant au militantisme. Le sien est issu de deux traditions complémentaires et confondues : familiales et sociales. Les Mailly sont libres penseurs, syndicalistes et socialistes de père en fils depuis trois générations. Entre les deux guerres, le grand-père Henry est alors membres de la CGT. Il crée chez les mineurs du Nord des sections autonomes pour organiser les migrants polonais. Parallèlement, les ouvrages de Jaurès et Blum alimentent la culture familiale et les dédicaces témoignent de la proximité avec les dirigeants socialistes. Son père poursuit le même cheminement. Mailly rapporte une anecdote révélatrice. Cet employé, cadre à la Sécurité sociale, militant socialiste et syndicaliste interdit au fiston d’aller « manifester avec les communistes » en mai 1968, témoignant de la culture militante des socialistes et des syndicalistes du Nord. Jean-Claude Mailly reprend le drapeau. Il choisit l’économie à la fac et rédige un mémoire sur le syndicalisme. Cette passion pour l’histoire du syndicalisme se retrouve dans ses mémoires. Il s’ensuit un très long portrait de Léon Jouhaux dont on comprendre le rôle de modèle qu’il a pu jouer. En revanche, la biographie proposée éloigne le récit des mémoires, le livre devenant parfois un mélange entre des souvenirs et une histoire de la CGT-FO. Certes, le « général » représente l’identité de la Centrale, ce qu’il s’agit de faire comprendre aux lecteurs. Mais, il l’éloigne de l’analyse du contemporain. Mailly insiste également sur le lien premier entre tous les membres de la CGT-FO : la passion du social et la défense des libertés. Mailly énumère les différents courants traversant la centrale : ex communistes devenus syndicaliste, socialistes, gaullistes, trotskistes et anarchistes qui sont unis par l’anticommunisme. Il dresse le portrait des principaux responsables de ses courants de Pierre Boussel à Maurice Joyeux. Il faut noter pour l’anecdote que Jean-Claude Mailly se trompe aussi sur ce dernier: Maurice Joyeux, le porte- parole anarchiste, n’a pas été exclu de la CGTU, mais des Comités de chômeurs du XIVe arrondissement et inscrit sur les listes noires du PCF…  Cette culture commune fait d’horizons variés de la CGT-FO est une véritable auberge espagnole qui accueille tous les hommes de bonne volonté que Mailly qualifie selon une formule heureuse et amusante  « cassoulet et révolution ».

La famille a joué un rôle important dans son évolution. C’est grâce à elle qu’il rencontre Marc Blondel, qui est venu dîner chez ses parents. Il le prend comme assistant et Mailly participe à la vie confédérale. Il raconte les entretiens dans les ministères, dont une particulièrement touchante, avec Pierre Bérégovoy. Les échanges dans les cabinets ministériels ou présidentiels sont parfois houleux. Ainsi en 1995 avant le début du mouvement social contre le projet de réforme de la sécurité sociale, les représentants syndicaux sentent que le chef de cabinet du Président cache quelque chose. En effet, c’était le cas et Mailly de raconter les semaines de mobilisation jusqu’au « juppéton », la grande manifestation du 12 décembre 1995, qui entérine la fin de son projet de réforme. Mailly explique aussi les réunions informelles entre les responsables politiques et les dirigeants syndicaux, loin de l’image traditionnelle du mouvement syndical. S’en suit un portrait amusant de Jacques Chirac qui s’est assagi en vieillissant.

Le président Emmanuel Macron ?  » il n’écoute rien et encore moins la représentation sociale »

Le portrait de François Hollande lui est beaucoup moins reluisant. La réponse du syndicaliste à la question de savoir si le gouvernement Valls a conduit une politique sociale : « clairement non ». Le tableau s’assombrit encore plus avec l’ancien ministre de l’Économie devenu président de la République. Macron « n’écoute rien »  et surtout pas la représentation sociale. Enfin, Jean-Claude Mailly livre sa version de la crise de la CGT-FO lors du congrès de Lille de 2018 – à croire que les congrès syndicaux se tenant à Lille sont toujours objet de crise, celui de 1921 est à l’origine de la scission syndicale entre la CGT alors réformiste et la CGTU – une étrange coalition aurait souhaité sa tête. On est obligé de le croire sur parole faute de contradicteur.

Dans cet autoportrait, il semble que le réformisme de Jean Claude Mailly a les teintes de l’ombre du vieux syndicalisme révolutionnaire quand il écrit qu’il faut « réfléchir à la fin du rapport de subordination entre l’employeur et le salarié », mais qui s’éloigne encore un peu plus loin du rêve des syndicalistes rédigeant la charte d’Amiens en 1906 prônant «  l’abolition du patronat et du salariat ».

Mailly est l’héritier d’une tradition de secrétaires généraux de la la CGT-FO. Elle commence avec Jouhaux et se poursuit avec Robert Bothereau dont Gérard Silva offre la biographie. Né en 1901, métallurgiste, il gravit tous les échelons de la carrière syndicale tout en restant à l’Atelier. Militant à la CGT alors majoritaire dans le mouvement syndical, les minoritaires proches du PCF appartiennent à la CGTU. L’ajusteur mécanicien est un militant hors pair et devient au début des années 1930 la figure centrale du syndicalisme dans le Loiret, les effectifs de la centrale ne cessent d’augmenter. Anticommuniste, il fait lors de la réunification syndicale de 1935-1936, contre mauvaise fortune bon cœur se pliant à la logique unitaire. La ruée de 1936 favorise l’action du  PCF dans le mouvement syndical, Bothereau souhaite la limiter sans y parvenir. Il y arrive cependant en 1939 lors de la signature du Pacte germano-soviétique. Pleinement engagé dans la Résistance, Bothereau cherche de nouveau à contrer le PCF. C’est un nouvel échec, les ex-unitaires deviennent majoritaires et les anciens de la CGT partent fonder Force ouvrière avec l’aide des syndicalistes et des services secrets américains. De 1948 à 1963, il assure les destinées de la centrale où il défend la liberté pour les peuples subissant la dictature communiste et se prononce pour l’indépendance de l’Algérie et  bien sûr en conduisant des négociations serrées pour obtenir la troisième semaine de congés payés ou le salaire minimum. Il cède la place à André Bergeron. Cette biographie qui est un rappel utile, se gâche malheureusement par nombre de considérations personnelles, le biographe étant fortement impliqué dans les conflits contemporains de la centrale. Quel dommage.

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