Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Culture #Patrimoine #Réparation #slow-made #Vocations

Le physicien Étienne Klein débat avec des réparateurs d’âmes

Publié le 7 juin 2023 par

#Bonnes Feuilles. Mais que peuvent bien se dire un charpentier Compagnon du Devoir, une architecte du patrimoine, une spécialiste de l’haptonomie et un chirurgien des mutilations sexuelles, de surcroît réunis par un physicien et philosophe des sciences ? La notion de réparation recèle des points communs, des analogies et des choix inattendus. Un multi-entretiens étonnant et jubilatoire, extraits de Vocation réparer (Presses des Mines, sous la direction de Laurence Decréau).


© Étienne Klein par Gérard Cambon/Les Influences.fr

Étienne KLEIN : « Réparer à l’identique ou réinventer ? » : la question posée par cette table ronde nous a été inspirée par l’incendie de Notre-Dame et le débat qui a suivi à propos de sa reconstruction. Une restauration se doit-elle ou non d’être conforme ? Pour y réfléchir, nous avons choisi des invités dont les métiers ont en commun la réparation, mais dans des champs très différents.

 (…)  En préambule, rappelons que cette question fait écho à deux débats remontant à l’Antiquité grecque. Le premier concerne le bateau de Thésée : les planches de sa coque se détériorant au fil du temps, elles sont remplacées au fur et à mesure par des planches neuves. Quand toutes les planches ont été changées, s’agit-il encore du bateau de Thésée ? À force de remplacer les constituants d’un objet, trahit-on son identité ? Ou la préserve-t-on au contraire ? Cette question a beaucoup divisé les Grecs.

   Le second débat part de cette évidence : si une chose a changé, elle n’est donc plus identique à elle-même. Pourtant, si je dis : « Monsieur X a changé » , à l’issue du changement, il s’agit toujours de Monsieur X. Cette contradiction entre l’idée de changement et celle d’identité constitue un paradoxe, qui a clivé l’histoire de la philosophie, qui s’est scindée en deux écoles de pensée. D’un côté, la philosophie de l’être : avec Parménide, on essaie de comprendre ce qui, derrière les changements, est invariant – l’être. De l’autre, la philosophie du devenir, incarnée par Héraclite. Pour en revenir à Monsieur X, ce qui a changé chez lui est une propriété secondaire : la couleur de ses cheveux, son tour de taille, sa femme… Le changement suppose donc le maintien d’une identité. Lorsque X devient Y, Y n’ayant plus rien à voir avec X, il s’agit d’un remplacement.

Outrages du temps ou de la guerre… Accidents ou violences délibérées… Après la dégradation, la brisure, comment réparer les choses et les hommes ? De l’art complexe et délicat de naviguer sur la ligne du temps.

La question, chers invités, est de savoir comment vous percevez la réparation. Suppose-t-elle un retour à l’identique ou vous autorisez-vous des variations ? Nous commencerons par Julien Lecarme, Compagnon du Devoir charpentier, que je laisse se présenter.

Julien LECARME : Je travaille en effet pour les Compagnons du Devoir, chez qui je suis entré assez jeune – en 1994. Je n’étais pas vraiment copain avec l’école : dès que j’ai eu le droit légal de travailler, je suis parti faire de la charpente. Après vingt ans de tour de France, j’ai représenté les compagnons charpentiers au sein de l’Institut de la charpente et construction bois. (…)

On dit que ce sont les compagnons qui ont fabriqué les cathédrales. C’est assez difficile à sourcer. Le compagnonnage n’est authentiquement identifié comme tel qu’à partir du XIVe siècle. En fait de Compagnons, c’est alors surtout une bande de joyeux drilles qui font la fête et qui voyagent à travers la France en liberté par rapport à un maître – le patron qui détient la boutique. Compagnons ou pas, les ouvriers qui ont entamé la construction de Notre-Dame ont dû résoudre un problème passionnant : le chantier auquel ils s’attelaient durerait beaucoup plus longtemps qu’une vie humaine. L’ouvrier ne verrait donc pas l’œuvre finie. En outre, par définition, un ouvrier spécialisé sur une tâche ne suit pas la construction d’un ouvrage depuis la fondation jusqu’à la couverture, il est appelé à travailler sur d’autres chantiers… On comprend alors que les deux piliers du compagnonnage aient été dès l’origine le voyage (d’un chantier à l’autre) et la transmission d’un savoir (d’une génération à l’autre). Ils le sont encore de nos jours, plusieurs siècles plus tard. Aujourd’hui, on ne fabrique plus guère de cathédrales, et les chantiers n’ont plus grand-chose à voir avec ceux l’Europe du Moyen Âge. Mais la transmission du métier, l’itinérance et l’émancipation des jeunes par les différents métiers de transformation de la matière demeurent les piliers du compagnonnage.

   S’agissant de Notre-Dame, il est évidemment douloureux pour un charpentier de voir un ouvrage tel que celui-ci brûler. Car ce qui brûle est comme une bibliothèque. On sait y lire beaucoup de choses : les marques de charpente, l’orientation, l’âge du bois grâce à des techniques scientifiques… Les assemblages aussi, qui étaient extrêmement différents d’une travée à l’autre, témoignant du passage des années. J’ai eu le privilège et le plaisir de visiter le comble de Notre-Dame. Mais sur les millions de visiteurs qui sont entrés dans Notre-Dame, combien d’entre eux ont pu voir la charpente ? Que signifie alors pour eux une reconstruction « à l’identique » ? À ce propos, l’église Sainte-Foy, où nous sommes réunis, fait un joyeux pied de nez à la question posée. On voit ici trois travées totalement différentes : une voûte qui n’existe plus avec une charpente apparente, une voûte qui commence en plein cintre pour finir avec un arc gothique, et une croisée derrière nous… Une continuité très relative dans l’authenticité ! De même pour Notre-Dame. Au XIIIe siècle, quand son chantier a été lancé, on a choisi les meilleures techniques de l’époque, la technologie en charpente la plus évoluée. Quand on le reprendra au XIXe siècle – après beaucoup d’autres reprises en amont – on fabriquera une flèche immense, alors que la flèche originelle était toute petite. Si l’on reconstruisait Notre-Dame telle qu’elle était jusqu’au XVIIIe siècle, personne ne la reconnaîtrait ! Est-ce Notre-Dame ou pas?  A priori, ça le sera toujours, à moins qu’elle ne soit débaptisée.

Une charte de 1994, le « Document de Nara » , me semble avoir plus ou moins réglé la question : elle stipule que la définition de l’authenticité du patrimoine est variable d’une culture à l’autre. Prenez le patrimoine japonais : il est en bois et se situe sur un territoire aux contraintes climatiques et environnementales particulières. Aussi le bois est-il régulièrement remplacé. Quand vous visitez un temple du XVIe, aucune pièce de bois ne date du XVIe. Le temple a été reconstruit depuis cette date – à l’identique : les plans restent exactement les mêmes, mais toute la matière a changé, exactement comme pour le bateau de Thésée. Et il garde toujours le même nom. Reste à savoir ce que nous entendons aujourd’hui par « authenticité » du patrimoine, en France.

É.K : Mireille Grubert, vous êtes architecte du patrimoine. (…) Est-ce que la notion de patrimoine n’est pas intrinsèquement associée à l’idée de conservation ? Au sens de : empêcher la dégradation ?

Mireille GRUBERT: Conservation, entretien, restauration, mise en valeur… La notion même de patrimoine s’est élargie au fil du temps – dans l’espace et dans le temps. Elle englobe des objets de plus en plus vastes : on est passé de l’édifice isolé à l’édifice dans son environnement immédiat, puis à des ensembles urbains, à des ensembles paysagers. La dimension patrimoniale concerne même aujourd’hui des territoires entiers, avec le patrimoine physique, matériel, mais aussi le patrimoine immatériel, lié à la dimension culturelle. Vous parlez de réparation. Il faut citer ici d’autres mots importants: restauration, réhabilitation, reconversion, réutilisation… Chacun de ces mots, en lui-même, parle déjà du projet.

ÉK : Pierre Foldes, vous êtes chirurgien, mais votre spécialité est très particulière, en raison d’un parcours singulier que vous allez nous raconter…

Pierre FOLDES : Je suis chirurgien urologue, mais dès le début de ma pratique, je me suis lancé dans une autre aventure, la chirurgie humanitaire. J’étais avec Bernard Kouchner, et c’est alors qu’a été créé Médecins du monde. (…) Puis, deux événements ont changé le cours de ma vie. Le premier: le 23 mai 1972, un homme entre dans la basilique Saint-Pierre et fracasse la Piéta de Michel-Ange à coups de marteau. J’en ai été profondément bouleversé – à cause de la nature du geste, de sa cible. Une armée de gens se sont mis au travail pour tenter de réparer l’irréparable… et ont miraculeusement réussi. Second événement : le 8 décembre 1980, John Lennon prend cinq balles de revolver. J’ai eu la chance de rencontrer le chirurgien qui était de garde ce jour-là au St. Luke’s Roosevelt Hospital de New York où il a été transféré. Ce chirurgien n’a pas pu sauver John Lennon – une balle avait perforé le pédicule hépatique. Il m’a dit : « J’ai vu mourir les Beatles et je ne m’en suis jamais remis. Ça m’a absolument traumatisé. » Outre le temps qui abîme inéluctablement les personnes et les objets, rendant nécessaires des réparations, il existe ainsi un type de violence intolérable : les violences créées par l’homme, d’origine criminelle. Chez les « réparateurs » dont je fais plus ou moins partie, ce type de violence fait naître une sorte de rage, et on se dit : si je veux tenter quelque chose, j’ai une obligation de résultat. (…)

J’ai mis au point une technique de réparation qui fonctionne bien, et c’est devenu ma véritable spécialité, à laquelle je consacre ma vie depuis 30 ans. Ce n’est pas de la chirurgie esthétique, c’est de la chirurgie fonctionnelle, qui marche.

J’ai pourtant bien peu de mérite, car ce n’est pas vraiment moi qui répare. Ce sont ces femmes, qui décident de se lancer dans un parcours de réparation. (…)

ÉK : Je donnerai à présent la parole à Catherine Dolto, que l’on peut présenter comme psychothérapeute ?

Catherine DOLTO : Je parle à partir d’une pratique, l’haptonomie, qui est la science de l’affectivité. L’inventeur de cette science, Frans Veldman, a compris que c’est l’affectif qui réunit le corps et l’esprit à chaque instant – via le système nerveux. Cette vision de l’être humain permet de repenser intégralement le développement, l’intelligence, la psychopathologie, et donc tous les métiers de soin et d’éducation. Avec pour fondement l’idée que la sécurité affective permet aux humains de dépasser leurs limites. Il n’y a pas de séparation corps esprit : l’enjeu d’une vie humaine est d’accepter d’être assigné à résidence dans une forme humaine, qu’on l’aime ou pas, et de faire sa vie avec ça. (…)

Pour prendre une métaphore architecturale, chez un humain, il y a des murs porteurs : la génétique et tout ce qui s’est constitué avec l’épigénétique, la plasticité neuronale, etc. En somme, tout ce qui est à l’œuvre charnellement dans la construction de l’être humain. Et il y a des cloisons. Un thérapeute n’a pas le droit de toucher aux murs porteurs. En revanche, son travail est d’aider l’autre à briser les cloisons : certaines personnes vivent dans 35 m2 alors qu’elles pourraient disposer de 300 ! Quand on me dit : « Je ne peux pas » , je rectifie : « Est-ce que vous ne pouvez pas vouloir ? Ou est- ce que vous ne voulez pas pouvoir ? » (…)

ÉK : Passons à la question de l’identité pour un bâtiment, une charpente, un élément du patrimoine. Comment la définiriez-vous ? Ici, il n’y a pas de corps et esprit…

MG: À mon sens, l’identité du patrimoine est ce que l’on en fait – la façon dont on le regarde et dont il est pris en charge par la société. Étymologiquement, le monument sert à se souvenir. On se souvient parce qu’à un moment, la société a envie, ou besoin de se souvenir. De quelque chose qui peut être bâti ou non bâti – un événement ou simplement une période historique antérieure. La colonne Trajane commémorait des guerres qui avaient eu lieu à Rome trois siècles plus tôt, et représentait des scènes de bataille. À un autre bout de l’histoire, l’Anneau de la Mémoire, construit en 2014, a été conçu par l’architecte Philippe Prost pour commémorer le centenaire de la guerre de 14. Les visiteurs peuvent déambuler autour de ce très grand monument contemporain et lire 600000 noms de morts de la Grande Guerre inscrits les uns à la suite des autres, indépendamment de leur pays d’origine, de leur camp et de leur grade… Le monument est une façon d’appréhender un patrimoine historique.

Je laisserai pour l’instant de côté les destructions dues au passage du temps, à l’usure, au désintérêt, ou à l’absence d’entretien. La façon dont on s’occupe de ce patrimoine en le traitant ou pas est en effet différente de ce qui se passe quand les destructions interviennent de manière soudaine et violente. C’est de celles-là que je souhaite vous parler. Quelles sont les caractéristiques de ces destructions soudaines? Tout d’abord, elles sont souvent liées à des pertes en vies humaines. Ensuite, la perte brutale de la matière en quantités importantes et variées nous met devant une situation physique particulière. Ces destructions provoquent dans les communautés qui les vivent des mouvements émotionnels qui sont évidemment à prendre en compte. Enfin, ces destructions violentes s’accompagnent de dégâts environnementaux auxquels on prête de plus en plus d’attention aujourd’hui. Pour Notre-Dame, cela aura été la façon dont le plomb s’est répandu dans l’atmosphère. C’était un désordre environnemental majeur. Comment réagir par rapport à tout cela ?

En ce qui concerne Oradour-sur-Glane, par exemple, le patrimoine est à l’échelle d’un village. La décision a été prise de lui laisser son identité de ruines et de le préserver en l’état le plus longtemps possible, avec toutes les difficultés que cela implique. Ainsi, la carcasse de voiture exposée au milieu du village a déjà été remplacée plusieurs fois depuis les événements. Même chose pour la petite ville de Kénitra, sur le plateau du Golan syrien. Kenitra a été détruite par l’armée israélienne quand celle-ci s’est retirée du Golan, et les Syriens ont décidé de la préserver comme ville martyre pour maintenir le souvenir de cet événement traumatique.

Mais il y a bien d’autres façons de traiter le patrimoine détruit. Je pense notamment à l’architecte chinois Wang Shu, qui a reçu le prix Pritzker – l’équivalent du prix Nobel pour les architectes. En Chine, la destruction du patrimoine est une question majeure, notamment ce patrimoine dit « vernaculaire » que constituent les petits ensembles de maisons de villes ou de villages appelés « Hutongs » . Les Hutongs sont démolis pour être remplacés par des immeubles de grande hauteur. Wang Shu n’exhorte pas ses étudiants à se coucher devant les bulldozers, non, mais il les emmène dans les ruines lorsque le chantier est en cours et leur dit : « Regardez comment c’est construit, vous avez un écorché sous les yeux ! » En somme, il tire parti de ces démolitions pour leur apprendre les techniques de construction, ce qui est une façon astucieuse de contourner la problématique tout en la mettant en lumière. Dans son agence « Amateur Architecture Studio » , avec sa femme qui est charpentière, Wang Shu construit des bâtiments en utilisant des matériaux de récupération. Il dit : « En récupérant les briques, je récupère la mémoire des gens. Elle est encapsulée dans les briques et les tuiles que je mets en œuvre… » . De fait, on voit des habitants circuler sur les chantiers, manifestement sensibles à la réapparition de ces briques qui résultent de démolitions. Wang Shu a été un précurseur dans ce domaine, et les jeunes architectes français qui ont adopté cette méthode se revendiquent de lui.

ÉK : Julien Lecarme, qu’avez-vous à ajouter sur ce qui fonde l’identité des objets auxquels vous avez affaire ?

JL: J’aimerais rappeler qu’un bâtiment du patrimoine a d’abord été une actualité pour les humains qui l’ont fabriqué. Un apprenti maçon a commencé son parcours de vie dans cette église Sainte-Foy, il en est reparti avec une nouvelle expérience. Quand on construit un bâtiment, le « faire » , et surtout le « faire ensemble » , construit aussi celui qui y travaille. Surtout si ce bâtiment a du sens – il est moins gratifiant de construire une prison ! Mais la réparation est, elle aussi, une chance pour les artisans. Notre-Dame, par exemple, nous donne une opportunité magnifique de former de nouvelles générations, d’amener des jeunes à nos métiers. Que répare-t-on ? L’ouvrage qui a subi une destruction ? Les jeunes aux vies cabossées qui découvrent le métier dans cet ouvrage ? Probablement un peu des deux.

Je suis d’une génération où nous étions nombreux à entrer chez les Compagnons en sortant du collège – en fait, dès qu’on pouvait. Dans les générations suivantes, fin du XXe, début du XXIe siècle, le mot d’ordre est devenu : « Passe ton bac d’abord ! » . Ceux qui intègrent chez nous sont de plus en plus des bacheliers. Mais on voit aussi arriver des profils nouveaux : des jeunes qui ont fait des licences d’astrophysique, des écoles d’archi ou autres études supérieures, et qui se tournent vers les métiers manuels. Le « faire » , ça parle, et c’est d’ailleurs une des raisons d’être du Festival des Vocations. Assembler, lever, tailler une pierre, puis se retourner pour regarder son ouvrage, ça nous construit. On dit que la matière ne ment pas. La transformer a un effet sur nous et peut nous réparer, quel que soit le type de parcours qu’on a eu. Quand je regarde un ouvrage du patrimoine, j’ai tendance à le voir au présent et à me demander : tiens, comment ils ont étayé la voûte ? Avec quelle technique ? Combien étaient-ils pour fabriquer ça ? D’où vient le matériau ? D’où vient la ressource ? Ce bout de bois, cette pierre, avait-il déjà été employé avant pour une autre fonction ? La réponse est souvent oui… Les tailleurs de pierre disent : « Quand on construit une cathédrale, on construit une carrière » . C’est à entendre dans les deux sens du mot « carrière » ! La ville de Cluny en est un bon exemple. Ils ont construit une carrière pour faire une abbatiale… […]

Une précision à propos de Notre-Dame. En 2013 et 2014, deux élèves de l’école de Chaillot ont procédé au relevé de ses charpentes sous la direction de leur professeur, Benjamin Mouton. Ces relevés n’avaient jamais été faits depuis 800 ans – du moins, de cette manière-là. Je crois pouvoir l’affirmer: leur existence a beaucoup pesé dans le choix de restituer les charpentes à l’identique, dès lors qu’on possédait la documentation pour le faire. Le choix d’une stratégie de réparation est fortement orienté par la connaissance qu’on possède des lieux – édifice ou territoire. C’est en partie en fonction de cette documentation qu’on décidera d’aller vers une restauration « à l’identique » ou vers un projet de création nouvelle. En 1914, la charpente de la cathédrale de Reims a brûlé à la suite d’un bombardement par l’aviation allemande. Quelques années après la fin de la guerre, l’architecte Henri Deneux a choisi de reconstruire la charpente en ciment armé. D’une part parce que cela lui paraissait la meilleure réponse à ce que l’édifice demandait, mais aussi parce que la construction des tranchées avait consommé une quantité de bois colossale. Dans ce contexte de pénurie de bois, le ciment armé représentait une alternative. (…)

CD: Pour rebondir sur ce que disait Mireille, pour réparer un être humain aussi, il faut se documenter sur son histoire. La charpente est l’histoire telle qu’elle nous est dite, l’histoire affective de notre roman familial. Et puis, il y a la réalité des faits… Parfois, on ne peut réparer qu’en montrant que la réalité des faits n’est pas la même que la mythologie qui a été construite. (…)

EK : Les réparateurs réparés par ce qu’ils réparent, quelle mise en abyme ! » (…)

© Extraits de Vocation Réparer, Laurence Decréau et Presses des Mines. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur et de l’autrice. Mars 2023.


Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad