Joseph Darnand, le coup de poing nazi du Maréchal
Publié le 25 octobre 2023 par Emmanuel Lemieux
L’info : L’historien Éric Alary publie une biographie du chef de la Milice (Perrin). Ou comment un héros hors norme de la Première guerre s’est fourvoyé dans la seconde.
Un roman français, avec ses atrocités, ses coups d’éclat et ses folies politiques. Joseph Darnand, mille fois cité dans les études sur Vichy, n’avait pas de biographie récente, nourrie de nouvelles archives et d’éclairages neufs. C’est chose faite. L’historien Éric Alary (Le Palais-Bourbon sous l’Occupation, la ligne de démarcation) s’y est penché. Le livre est sobre, classique, et ne révolutionne pas la narrative non-fiction, mais permet de suivre tous les rouages qui ont entraîné en quelques années, le patron de la Milice dans les pires indignités. Joseph Darnand est le simple titre de l’ouvrage, comme s’il était difficile de le qualifier. Une gageure en effet, tant le paysan bressan qui aura été le concurrent des Déat et Doriot dans les coulisses de la collaboration, reste le mystère du livre lui-même : sa personnalité, semblable à une boite noire, ne laisse rien apparaître si ce n’est une brutalité maximale, des flambées oratoires antisémites et anti-communistes, une pensée politique plus que frustre, en même temps qu’une soif de pouvoir et d’action. L’homme reste le créateur d’un monstre répressif de Vichy, et celui qui, avec Pierre Laval, est le plus honni, à l’intérieur comme à l’extérieur d’un régime pourtant bien garni en personnalités détestables.
Le peu de matériau d’archive personnelle le concernant ne laisse que des indices d’animal opportuniste plus que politique. Éric Alary rappelle même que le chef de la Milice tente, un instant, de rejoindre la Résistance à Londres, accrochant l’attention de Jean Moulin, avant de replonger encore plus rapidement dans le collaborationnisme le plus ultra. L’ancien poilu, et valeureux « nettoyeur de tranchées », patriote impressionnant, Croix de guerre, Légion d’honneur, héros sur-médaillé, mais déçu de ne jamais avoir été vraiment accepté par l’armée, avait dérivé durant l’entre deux-guerre dans les tribus de l’extrême droite, notamment l’Action française et la Cagoule. À Nice, devenu chef d’entreprise de déménagement, il y a fait son trou et sa réputation de cogneur. Les premiers mois de 1941 ont fait de lui, une figure de la Légion des volontaires français, en attendant d’atteindre les sommets de la sécurité intérieure et de la répression vichyste. De maréchaliste, la seconde guerre et ses petits calculs l’engrèneront comme supplétif du IIIe Reich, jusqu’à devenir SS. Meurtres à tout-va, tortures, corruption, gangstérisme… Au zénith, Darnand ne tient pas vraiment son monde, comme le décrit bien l’auteur.
Après une débandade de ses troupes de miliciens de plus en plus réduites, et réfugié à Singmarigen, dans le sud de l’Allemagne, cette république miniature et grotesque des pires collabos, la figure collaborationniste sera finalement arrêtée en Italie. Les pages du procès (l’un des chapitres les plus réussis) montrent un pantin aux fils coupés, que l’émouvante plaidoirie de son meilleur ami, le père « Bruck », Bruckberger, le résistant dominicain et gaulliste, ne parviendra pas à sauver. « Jo » est passé par les armes, le 10 octobre 1945, à 9h40, au fort de Châtillon. « Ainsi périssent les traitres », titrera la presse du lendemain.