La folie d’archives, hallucinogène français
Publié le 26 octobre 2023 par Rédaction LI
L’idée : Un pamphlet de Michel Melot sur la patrimonialisation à la française est réédité par l’École nationale des Chartes.
Le temps qui passe permet les changements de statut. Lorsque ce texte brûlot, signé Michel Melot, est sorti dans la revue Traverses en 1986,les chartistes ont toussé et préféré regarder de côté. Des Archives considérées comme une substance hallucinogène égratigne, avec jubilation, la dinguerie conservatrice de l’époque et la patrimonialisation de n’importe quel déchet, sanctifié en artefact génial et inaliénable. Trente-six ans plus tard, les intrépides éditions de l’École nationale des Chartes le republient et l’assument.

Le frisson du Samidzat est passé, même si sa lecture est toujours aussi plaisante, mais cette fois le texte a la saveur d’une prophétie. Melot, grande figure de l’Inventaire du patrimoine culturel au ministère de la Culture, posait une question qui tue toujours : que garder, que conserver ? L’auteur rappelle, entre autres, les logiques hilarantes du dépôt légal. Alors que la production de papier graphique s’effondre en France, la BNF, elle, a toujours son département d’affiches publicitaires. Elles sont empilées, méticuleusement pliées en quatre pour n’être jamais ouvertes – ce qui au vu du papier périssable, de toute façon, les désagrégeraient. Idem pour les photographies, empilables, donc stockables pour l’éternité. La question n’est toujours pas épuisée, bien au contraire elle a repris une acuité impressionnante avec le patrimoine immatériel.
Des Archives considérées comme une substance hallucinogène, Michel Melot, École nationale des Chartes, 48 p., 8 €. Avec une préface d’Olivier Poncet. Paru mai 2023.