Le mot qui raconte l’effondrement
Publié le 26 octobre 2023 par Rédaction LI
L’écrivain et urbaniste libanais Camille Ammoun estime que nous sommes entrés dans l’ère de la « subsidence » (Éditions Terre Urbaine)

Voilà un texte ultra-court, un article de 22 petites pages, mais qui promet de longues ruminations, et peut être même l’imposition d’un mot clé dans le débat public. L’urbaniste et écrivain libanais Camille Ammoun (Octobre à Beyrouth, Inculte, 2020 – ses pérégrinations dans une ville corrompue) a examiné ici ce qui se dérobe sous nos pieds. Tel est le concept en géologie de la subsidence. » Si le Littré définit la subsidence comme « l’action de descendre au-dessous du niveau », alors Beyrouth et les Beyrouthins sont aujourd’hui, sans aucun doute, subsidents », cingle-t-il. Des cités comme Kiruna, Byblos, Bristol, Mexico, Jakarta, s’enlisent doucement dans une certaine résignation. Le terme est extrait de sa stricte définition disciplinaire pour devenir la métaphore politique, sociale, morale et écologique de l’effondrement, un peu partout de par le monde. Ville, société, individu… Il est des situations où l’on est obligé de quitter la partie ou la scène, faute de sol.
« La subsidence, c’est l’impossibilité d’un retour à une situation ex ante. »
Camille Ammoun
Dans cet essai fiction, l’héroïne, une urbaniste conférencière, Sarah Saporta, observe l’irréversibilité de l’effondrement qui est l’exact contraire de la « résilience », et ce, partout dans le monde – et aussi en chacune et chacun de nous. « La subsidence, c’est l’impossibilité d’un retour à une situation ex ante, nous rappelle Ammoun, c’est la résignation face à la déchéance. C’est le pouvoir qui s’use et l’institution qui se corrompt, la société qui se délite, le corps qui trébuche, l’esprit qui faillit. » Ne reste plus ici et là que des épaves et des ruines sculptées par la défaite, comme nous le montrent l’auteur dans une série de photographies de sa propre ville.
Subsidence, Camille Ammoun, Terre urbaine, 48 p., 8,50€. Paru : septembre 2023.