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Un rapport du Sénat dans le feu de l’actualité

Publié le 11 août 2022 par

L’Info : Investissements et réorganisation sociale, mode de prévention, gestion et communication, décisions politiques et nouveaux savoirs du changement climatique, tout est à repenser face aux incendies des forêts françaises. Telles sont les conclusions d’un rapport d’information de grande ampleur, publié par le Sénat au début du mois d’août.


Source image : ONF

Pas vraiment le bestseller de l’été, Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement est un rapport d’information sénatorial qui tombe pourtant ad hoc dans le feu de l’actualité. Élaboré par deux commissions, à la fois concurrentes et complémentaires, l’une du Territoire et de l’aménagement durable et l’autre des Affaires économiques, ce document de 200 pages, en accès libre, rend compte des multiples défis politiques, organisationnels, sociaux (90% des incendies sont le fait de l’intervention humaine), financiers, techniques, scientifiques et culturels du changement climatique lancés à un pays comme la France. Quels suivi et développement adapté de ses forêts actuellement proies du stress hydrique et des flammes ?

Programme des réjouissances : « Quatre tendances se dessinent d’ores et déjà, comme nous pouvons, hélas, le voir en cet été 2022, commentait lors de la présentation du rapport, le vice-président de la commission du Territoire et sénateur (LR) du Var, Jean Bacci, l’un des quatre rapporteurs de ce travail d’information ( avec Anne-Catherine Loisier (Union centriste), Pascal Martin (UC) et Olivier Rietmann (LR) ). Première tendance: une intensification du risque. En région méditerranéenne française, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80% d’ici à 2050. Avec une hausse de la fréquence des feux, les espaces boisés pourraient peu à peu laisser place à des maquis, en région méditerranéenne notamment. Deuxième tendance: une extension géographique. En 2050, près de 50% des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un niveau élevé de risque, contre un tiers en 2010. En juillet 2022, plus de 1700 hectares de lande ont ainsi brûlé dans les monts d’Arrée, dans le Finistère.Troisième tendance: une extension temporelle. La période à risque fort sera trois fois plus longue, les feux hivernaux devraient se multiplier. Rappelons-nous du message fort du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), M.Grégory Allione, entendu par nos deux commissions en juin dernier: ‘‘ aujourd’hui, la saison des feux, c’est toute l’année ». Quatrième et dernière tendance: le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles.»

La lutte contre les incendies de forêts a longtemps constitué un point fort des pompiers. Mais aujourd’hui, et ce sont eux mêmes qui le réclament, l’organisation doit être repensée, et les tactiques révisées.

« Aujourd’hui, la saison des feux, c’est toute l’année. »

Grégory Allione, Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, aux commissions sénatoriales, juin 2022.

Par exemple : « Les maires ne doivent pas être laissés seuls, avait également plaidé Grégory Allione. À une certaine époque, les forces de l’ONF accompagnaient les élus dans la mise en œuvre d’une politique non seulement d’aménagement du territoire et de gestion de l’espace forestier, mais aussi de prévention, voire de répression. Réduit comme peau de chagrin, l’ONF ne peut plus accompagner les élus sur le terrain.Quand la prévention et la sensibilisation ont échoué vient le temps de la répression, qui doit être graduée. Dans ce dernier cas, les maires doivent être accompagnés par le pouvoir régalien afin de sanctionner les individus qui refusent de s’intégrer dans le dispositif collectif et qui nous mettent tous en péril.» L’ONF était en effet le grand éléphant de la pièce. Le rapport sénatorial préconise au contraire que l’organisme revienne sur son intention de suppression de 500 postes d’agents de protection des forêts sur 8 200 collaborateurs, suppression qui cache la forêt de 2 000 emplois au cours des dernières années, autant de savoir-faire et d’ingénierie parti en fumée. Mieux, les sénateurs estiment qu’il faut plus que jamais, muscler et élargir le périmètre d’intervention de l’ONF. L’organisme n’a plus de direction générale depuis le 31 mars. Au préfet Bertrand Munch écarté pour maltraitance managériale, devrait lui succéder en septembre, sur proposition de l’Élysée soudainement moins nonchalant sur le sujet, Valérie Métrich-Hecquet, actuelle DG de la performance économique et environnementale auprès du ministère de l’Agriculture. Selon Le Canard enchaîné (édition du 10 août), cette proposition de nomination tombée le 28 juillet – et qui doit passer par des auditions parlementaires – aurait été précipitée par l’imminence de la parution du rapport sénatorial. Le temps presse.


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Les forêts actuelles ne se portaient déjà pas bien depuis quelques années, pointe le rapport. La mortalité des arbres a largement augmenté en vingt ans, passant de trois à neuf millions de mètres cubes par an. Dans certaines régions, on remarque que les volumes de bois dit «sain» prélevés fragilisent des forêts communales du Grand Est, de la Bourgogne-Franche-Comté et de l’Auvergne-Rhône-Alpes. « Entre 2018 et 2020, plus de 300 000 hectares de forêts publiques ont été affectées par des dépérissements forestiers», avance le rapport d’information.

Le phénomène des scolytes qui s’accélère et affecte les forêts situées dans la moitié nord de la France pourrait être une autre bombe à retardement. Que des feux s’y déclarent, et cette biomasse très sèche et particulièrement combustible pourrait fortement les propager.

L’après-feu est également examiné par les sénateurs. Que faire et comment replanter des arbres qui mettront entre 70 ans et un bon siècle pour atteindre leur pleine maturité ? Le prix d’un hectare à reconstituer est estimé entre 2 000 et 4 000 euros. Remarque incisive des sénateurs : « À cet égard, les rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de débloquer des fonds supplémentaires, ce qui exclut le  »recyclage budgétaire » des fonds affectés au renouvellement forestier des parcelles touchées par les scolytes, afin de ne pas  »déshabiller les forêts dépérissantes pour habiller les forêts incendiées  » ». Des logiques et des budgets nouveaux doivent être enclenchés, allant bien au-delà du plan initial de 100 millions d’euros.

Que replanter après un incendie ? « Le pin maritime reste l’essence la plus appropriée pour les sols et le climat landais, mais il n’est pas nécessairement le plus approprié pour limiter la propagation de l’incendie.»

Rapport d’information, page 116

Des savoirs nouveaux semblent indispensables à toute décision politique. En zone méditerranéenne, les forestiers ont l’habitude de laisser faire la nature qui se régénère par elle-même : de nombreuses graines enterrées, notamment celles de conifères et d’eucalyptus, s’ouvrent sous l’effet de la chaleur. Mais aujourd’hui, rien n’est moins sûr. Le rapport a recueilli des avis de scientifiques sur la question. Pour l’ONF, « il est très difficile de réussir des plantations derrière un incendie; en général les processus de cicatrisation naturelle sont plus rapides et efficaces ». Pour un chercheur de l’INRAE, Michel Vennetier, ce n’est pas impossible : « Des feux dans les milieux méditerranéens ont théoriquement un rôle d’ouverture des milieux pour permettre aux espèces cicatricielles d’après feux de se maintenir dans les paysages, et donc de reconquérir rapidement les milieux en protégeant le sol et en permettant le retour ultérieur des espèces plus sensibles et demandant du couvert » Des techniques comme le pâturage après incendie est prescrit pendant une durée de dix ans, renouvelable une fois par le préfet (article131-4 du code forestier) : les animaux pouvant manger les graines et plants à même le sol stimulent ainsi les sites.

Les rapporteurs du Sénat insistent sur ce point du choix des essences plantées ou replantées dans les suites d’un incendie. « Il convient de se montrer prudent car la recherche n’est pas tranchée sur ce sujet. […] Il convient en particulier de distinguer l’adaptation à la station forestière et à son évolution sous l’effet du changement climatique d’une part, de la résilience à l’incendie d’autre part. Ces deux dimensions peuvent entrer en contradiction. Le pin maritime reste l’essence la plus appropriée pour les sols et le climat landais, mais il n’est pas nécessairement le plus approprié pour limiter la propagation de l’incendie. À titre d’exemple, les associations environnementales entendues par la mission ont alerté sur l’eucalyptus, essence connue pour être pyrophile, dominante en Australie et au Portugal. Encore très faiblement implantée en France, elle a certes une capacité de survie au feu importante reposant sur la propagation de ses graines par le feu et semble adaptée à certaines stations forestières dans le sud de la France, mais contribue à propager l’incendie en cas de sinistre.» Bien des questions restent en attente de réponses durables. Le rapport d’information propose 70 recommandations comme autant de pistes de réforme, le feu n’a pas fini de couver dans les débats politiques.

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