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Fayard publie son Hitler

Publié le 20 mai 2021 par

L’idée : Fortement contextualiser dans une édition critique, Mein Kampf tombé dans le domaine public depuis 2016.

Sophie de Closets, PDG de Fayard (Groupe Hachette). ©Olivier Roller.

Le monstre sera lâché dans l’espace public le 2 juin. Enfin, pas tout à fait : il n’y aura pas de mise en place, les libraires seront invités s’ils le souhaitent à commander des exemplaires de Historiciser le mal. Une édition critique de Mein Kampf auprès du distributeur de l’éditeur Fayard, explique la PDG Sophie de Closets dans une lettre à ses « chers amis libraires », en date du 13 mai. Pas question de se livrer à une visibilité ostentatoire. Les droits au premier exemplaire vendu, ainsi que la totalité des bénéfices, seront versés à la Fondation Auschwitz-Birkeneau. L’éditrice indique que ce texte circule sur la Toile dans une traduction française erronée datant, elle, de 1934, soit dix années après sa parution, et qui avait été lancée par les Éditions latines. S’il circule sur Internet, l’édition papier est loin d’être négligeable, notamment via les librairies d’occasion, soulignent les historiens de cette nouvelle édition dans leur introduction générale. L’année dernière, un éditeur d’extrême droite français a écoulé cette version des Éditions latines à 5 000 exemplaires. Dans le monde anglo-saxon, la même version approximative était disponible sans problème dans de nombreuses librairies ou ventes par correspondance dès 1945. Des éditions commerciales pirates ont essaimé dans le monde entier. La seule édition critique avant 2016 était celle de l’historien Moshe Zimmermann, en hébreu, de tirage confidentiel et ne retenant que les passages consacrés aux conceptions racistes du leader nazi.

Paradoxe d’une édition critique : ces 3 000 notes qui encadrent le texte le rendent plus compréhensible alors que ses références de 1925 étaient tombées en désuétude

L’adaptation française du texte original d’Hitler a été confiée au traducteur hors-pair Olivier Mannoni. Mission : se tenir au plus près de « la singularité de ce texte, particulièrement maladroit sur le plan linguistique », ce qui n’est pas facile. Sur la base de ces écrits, l’équipe scientifique française s’est mise dans les pas des historiens de l’Institut für Zeitgeschichte qui avaient annoté et analysé dans le cadre de la première édition critique en 2016. Coffré dans un véritable bunker éditorial anti-radiations, le manuscrit est enserré par un impressionnant dispositif de 3 000 notes qui contextualise, réfute les aménagements fictionnels, narratifs et victimaires de l’auteur, ses intentions propagandistes et ses mensonges, éclaire, complète le livre d’origine de 1925-26. Pour serrer de près les délires hitlériens, le casting de chercheurs français et allemands, dirigé par Florent Brayard et Andreas Wirsching, est impressionnant. C’est tout le paradoxe de ce travail collectif : lire Mein Kampf aujourd’hui est malaisé, voire souvent incompréhensible sans l’apport décisif des experts. En effet, les lecteurs d’Hitler en 1925 partageaient les mêmes références et la même connaissance de l’actualité, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Même les nano-informations relatives au NDSAP, le parti nazi, et qui constellent le livre ont été un casse-tête que les historiens ont eu beaucoup de mal à reconstituer et à en mesurer la portée. Reste un motif précieux de cette entreprise : « Parce que Mein Kampf avait une visée programmatique », que l’auteur allait mener systémiquement durant douze ans de terreur destructrice, « une partie importante du travail dans l’appareil de notes comme dans les introductions, a consisté à établir le futur du texte », énonce l’équipe scientifique. Et à nous faire réaliser toute l’ampleur du mal.

Historiciser le mal. Une édition critique de Mein Kampf, Florent Brayard et Andreas Wirsching (dir.), Fayard en collaboration avec l’Institut für Zeitgeschichte, 896 p., 100 euros. Paru le 2 juin 2021.

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