Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Chine #Guerre #Médias #Politique #Poutine #Sciences-po

La guerre de l’information a bien lieu

Publié le 19 septembre 2023 par

Qui s’emparera de nos cerveaux ? Sur le nouvel essai magistral de David Colon.

Le nouvel essai de l’historien David Colon sort en librairie à l’heure où l’Oppenheimer de Nolan s’apprête à quitter les salles obscures, sa structure narrative étant une mise en abime géniale de la prise de pouvoir sur les éléments de l’univers qui allaient changer à jamais la guerre et la paix, l’espoir et la terreur des générations se succédant. Nous sommes en plein dans un tournant de cet après-Fatman. La guerre en Ukraine est la première où l’information a pris le pas sur le militaire, parachevant le dessein initié par les Américains eux-mêmes lors de la première guerre du Golfe, il y a un tiers de siècle de cela. Avec son acuité habituelle, et sa colossale documentation, Colon nous plonge dans La guerre de l’information (Tallandier), celle là même qui a succédé à la guerre froide. Les acteurs de ce champ de bataille extra-large sont des décideurs politiques, militaires et terroristes. Ils ont renouvelé leurs doctrines et leurs moyens d’actions pour que la cybernétique dépasse le champ de la guerre et s’occupe désormais de contrôler les consciences, amies et ennemies, et d’organiser un savant chaos des méninges permettant l’émergence des pires. Trump n’est que le nom de ce tournant de la guerre de l’information où les non-alignés dictent leur loi et où l’empire se voit menacer dans une guerre des pixels qui allie les tuyaux (sous-marins et satellitaires, mais aussi les pipelines) aux contenus (du clickbait aux junk news). Trop d’observateurs ont oublié que Prigojine, le fondateur de Wagner, était d’abord celui de l’Internet Research Agency. Les fermes de trolls du régime poutinien, basées dans leur arrière-cour de Saint-Pétersbourg, ont inondé le monde de contenus radicalisant les esprits les plus aptes à la violence et à la perversion. Les réseaux sociaux américains ont été des complices passifs, des idiots utiles de la guerre de l’information, comme lorsqu’un jeune Anglais à peine majeur a pu recruter grâce à Twitter des dizaines de militants dans une organisation terroriste en quelques mois seulement… Elle s’appelait Daech. Et cette guerre que l’on n’a pas vu venir et que l’on a tardé à reconnaître comme telle semble nous avoir définitivement rayé de la carte géopolitique. Le dernier G20 en Inde a même été le lieu où les émergents ont exigé des Américains qu’ils rééquilibrent à leur profit et au détriment de l’Europe, et particulièrement de la France, les organes de la gouvernance mondiale. Qui a lu cette gifle dans la presse ?

Devant les défis terrifiants qui se dressent devant nous, David Colon sort même de son rôle d’historien des médias pour en appeler à un « état d’urgence informationnelle » des citoyens et politiques occidentaux

La guerre psychologique est désormais partout et la guerre de l’information est devenue totale. David Colon parle de guerre 3.0 pour désigner l’invasion de l’Ukraine où la guerre pour capter les esprits des citoyens du monde entier régente les décisions militaires et leurs impacts. Le désir chinois de conquérir le leadership mondial avant le centenaire de la République populaire, en 2049, pourrait nous faire rentrer encore plus concrètement dans la guerre cognitive qui s’ajouterait au capitalisme, régentant nos aspirations et nos craintes et nous assigner, comme autrefois, un maitre pour chaque esclave. À la fin de sa somme bien organisée, Colon sort même de son rôle d’historien (qui enseigne toujours à Sciences Po) pour appeler à un « état d’urgence informationnelle ». Puisque la guerre de tous contre tous pour le contrôle de nos esprits, et plus seulement de notre temps de cerveau disponible, semble être devenu le méta-enjeu de notre époque (la lutte contre la lutte contre le changement climatique semble être le dénominateur commun de Trump, Murdoch, Poutine et leurs amis), Colon voudrait des démocraties fortes qui déclenchent une riposte globale visant à empêcher la balkanisation de l’Internet, les guerres hybrides s’appuyant sur les fameux faits alternatifs et la responsabilisation des géants du numériques, presque tous occidentaux. Sans défense informationnelle, le risque de voir une Tsar Bomba nous tomber sur le coin du pif ne pourra jamais être nul. Pour cela, il faut que décideurs et citoyens se relèvent les manches et comprennent que leur vision du monde et leurs décisions qui en découlent ne sont pas tout à fait vaines, bien au contraire. Les grands malheureux savent que nous sommes les acteurs proactifs de nos drames, et qu’une sortie du cercle est toujours possible. Là où il y a une volonté, il y a un chemin, et ce réarmement intellectuel, informationnel et démocratique ne se fera pas sans effort, grâce aux progrès d’une intelligence artificielle qui n’est ni artificielle ni intelligente.  À bon entendeur…


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